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HUMOUR


Viktor Ardov

Sloganification


- Je suis étonné, chers camarades, que nous ne savons pas du tout nous servir de slogans. C'est quand que nous nous servons de slogans? Quand il y a une campagne. À l'approche d'un anniversaire. Et le reste de temps? Rien du tout! Quelquefois on peut tomber sur un petit slogan genre "Et moi, je mange la confiture d'orange" ou "Ne pas déranger avec l'argent à changer".

Et soit dit en passant, le slogan est un stimulateur, un facteur et même un tracteur. Et si vous avez besoin d'inculquer quelque chose dans quelqu'un – il n'y a fichtrement rien de mieux. Moi personnellement, j'inculque toujours de cette façon. Quand j'ai besoin de quelque chose, j'invente aussitôt un slogan. S'il me faut autre chose – un autre slogan. Une autre chose encore – un nouveau slogan. Que ce soit au travail ou à la maison, je sloganifie avant tout.

Par exemple, au travail. Le plus banal, à ce qu'il paraît – que l'on n'entre pas sans se faire annoncer, - a été sloganifié en toute liberté par mes soins:

Celui qui entre sans être annoncé
Par la bourgeoisie mondiale est très apprécié!


Et également au sujet des poignées de mains, si elles sont supprimées. Là aussi j'ai un slogan:

Si l'hygiène de nos travailleurs tu soutiens,
Alors bas les mains de la poignée de mains!


Entre autres, au travail pour la salle des dactylos j'ai écrit… Pas vraiment un slogan, mais tout comme… Seulement deux mots:

Nos
Dactylos


Mais ça c'est uniquement au travail. Et quelles possibilités pour la sloganification à la maison! Alors je sloganifie. J'inculque de mon mieux. Un homme n'est même pas encore entré dans l'appartement, et le slogan est déjà accroché.(1) À quel sujet? Disons, une affichette – à qui sonner combien de fois. Ça c'est facilement sloganifiable. Par exemple, comme ça:

Trêve au flou menchévik, soyons clairs et nets:
Pour Mamouline, cinq longs et huit brefs coups de sonnette!


Allons plus loin. Le couloir. Le téléphone est dans le couloir, et sur le mur, naturellement, il y a de la tapisserie. Et chacun s'évertue à écrire une adresse, un numéro de téléphone, un nom ici même, sur la tapisserie, sans bouger. Alors il faut bien lutter contre. Comment? Avec un slogan. Comme ceci:

L'écriveur sur la tapisserie
Est l'ennemi de la mère patrie!


Ensuite au sujet de la salle de bain et des toilettes. Vous le savez très bien: personne n'éteint la lumière derrière lui. Et moi, je les tance avec un petit slogan:

Celui qui n'éteint point la lumière
N'a pas sa place dans les waters prolétaires!


Mais le lieu le plus propice – c'est la cuisine. À dire vrai, j'ai inventé tout un abécédaire, pour chaque lettre de l'alphabet. Et tout ça est fait de slogans. Voilà des exemples:

Sois un homme engagé, mais le gaz –
Il faut le fermer, c'est une règle de base!


Qui emprunte la poêle sans permission
Est sans aucun doute contre la révolution!


Si tu ne sors pas à temps la poubelle,
Ton propre pays tu trahis de plus belle!


Citoyens! La cuisine est un vrai front!
Ne faites pas tomber le brûlant réchaud!


Et ainsi de suite… D'autres exemples:

La contre-révolution dans celui se vautre
Qui salit sans vergogne la bassine d'un autre!


Fermez la porte, et elle ne souffle point
Sous l'individu qui se conduit si bien!


Et cetera. Je l'ai bien dit: dans la cuisine, il y a de quoi se réaliser.

Ensuite – dans le tramway. Là il faut inculquer qu'on laisse sortir quand il le faut plutôt qu'emmener trop loin. Disons, de cette manière:

Citoyen, si tu ne descends pas à cet arrêt,
Laisse donc les larges masses à temps se tirer!


Continuons. Dans la rue et dans la cour il est important que les chiens ingérables ne mordent pas. À ce sujet, j'ai sloganifié:

Est à réprimander chaque citoyen
Qui mord les passants au moyen de son chien!


Ça marche, voyez-vous.

Puisque je dis: le slogan (2) est un stimulateur, un facteur et même un tracteur.

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1. Les slogans suivants se rapportent à l'univers de l'appartement communautaire.
2. Voir l'article sur les slogans soviétiques.