Conte du coq d'or
(extraits)
Traduit par Jean-Luc Moreau
Quelque part dans un empire,
Plus lointain qu'on ne peut dire,
Vivait le grand roi Dadon,
Qui dès l'enfance eut le don
D'infliger par son courage
À ses voisins force outrages.
Or ce roi, quand il vieillit,
Voulant loin des chamaillis
Connaître des jours paisibles,
A son tour devint la cible
De ses voisins qui dès lors
Lui causaient beaucoup de tort.
Pour garder son héritage
De leurs coups, de leurs dommages,
Il avait évidemment
Quantité de régiments.
Mais hélas, ses chefs de guerre
Avaient beau ne chômer guère,
S'ils tenaient le Sud, et pan!
L'attaque était au levant.
Y couraient-ils, c'est la côte
Qu'abordaient ces tristes hôtes.
Notre roi, toujours en pleurs,
N'en dormait plus de douleur.
Vous parlez d'une existence !
Il fit mander l'assistance
D'un sage, un mage, un castrat,
Qu'un émissaire assura.
Ce faisant de ses hommages.
Devant Dadon le dit mage
Bientôt se présente et sort
De son sac un coq en or.
"Mets - lui fait-il - ce fidèle
Oiseau sur ta citadelle:
Il te manque un bon gardien;
Mon coq d'or sera le tien.
Si rien ne paraît d'hostile
Il se tiendra fort tranquille ;
Mais s'il voit que d'un côté
Un conflit peut éclater,
S'il s'apprête une offensive,
Si quelque malheur arrive,
La crête haute à l'instant
Mon petit coq s'agitant
Criera tourné vers la place
D'où le danger te menace."
Le roi, qui n'est pas ingrat,
Promet tout l'or qu'on voudra:
"Pour l'appui que tu m'apportes
- Fait-il tant sa joie est forte -
Dis-moi ce qui te convient,
Et ton voeu sera le mien."
(...)
Et les voisins d'en rabattre,
N'osant même plus combattre,
Tellement le roi Dadon
Les mouchait sur tous les fronts!
(...)
"C'est le coq, Sire le Roi,
Dont les cris sèment l'effroi."
A ce discours de son reître,
Le roi court à la fenêtre :
Le coq en s'égosillant
Lui désigne l'Orient.
(...)
Le coq refait son chambard:
Le roi lève à tout hasard
Un régiment, le troisième,
Qu'il conduit au front lui-même.
De nuit, de jour, on alla;
Tout le monde était fort las.
Point de camp, rien de la guerre,
Aucun tertre funéraire.
"Quel sortilège est-ce donc?" :
Se disait du roi Dadon.
Après huit jours de campagne.
Il parvient dans la montagne;
Dans une gorge est dressé
Un pavillon damassé.
(...)
La reine mit sur la table
Les mets les plus délectables
La reine le fit coucher
Dans un grand lit tout broché;
Les huit jours de la semaine,
Tout au pouvoir de la reine,
Enchanté, ravi, béat,
Le roi Dadon festoya.
Quand enfin, suivi de toute
Son armée, il prend la route,
Bien sûr, la jeune beauté,
Est assise à son côté.
(...)
"O Roi - répond le savant -
Soyons quittes maintenant.
Autrefois, pour mon salaire,
Tu m'as fait, comme à ton frère,
Le serment, s'il t'en souvient,
Que mon voeu serait le tien.
Donne-moi la sans égale,
La reine de Sharagale."
(...)
Mais passé l'enceinte, ploc!
Quittant son perchoir, le coq
Au nez de toute la ville
Prend son vol et fonce pile
Sur le carrosse, tout droit
Sur le crâne nu du roi.
(...)
Comme d'un songe fugace,
De la reine aucune trace...
Mensonges ! Mais prenez-en
De la graine, braves gens !
Version russe intégrale Version espéranto intégrale