Volkh Vséslaviévitch
Au ciel, la lune lumineuse luisait
quand à Kiev naquit un puissant bogatyr,
le jeune Volkh Vséslaviévitch:
la terre humide trembla,
le fameux royaume Indien fut secoué,
la mer bleue chancela
en raison de la naissance de bogatyr,
du jeune Volkh Vséslaviévitch :
le poisson s’en alla dans la profondeur de la mer,
l’oiseau s’envola loin dans les cieux,
les aurochs et les cerfs s’en allèrent au-delà de monts,
les lièvres, les renards dans les fourrés,
les loups, les ours dans les sapinières,
les zibelines, les martres dans les boqueteaux.
Et quand Volkh eut une heure et demie,
Volkh parla comme le tonnerre tonne:
"Holà, toi, madame ma mère,
jeune Marfa Vséslaviévna!
ne m’emmaillote pas dans des langes de pourpre,
ne me mets pas des ceintures de soie,
emmaillote-moi, ma mère,
dans une dure cuirasse d’acier
et sur ma tête misérable place un casque d’or,
dans ma main droite une masse d’armes,
une lourde masse d’armes de plomb,
une masse du poids de trois cent poudes." (1)
Et quand Volkh eut sept années,
sa mère lui fit apprendre à lire
et Volkh de lire prit l’habitude ;
elle le mit à écrire avec une plume,
et l’écriture lui fut une habitude.
Quand Volkh eut dix années,
en ce temps Volkh apprit beaucoup de bons tours,
et comme premier bon tour, il apprit
à se changer en un clair faucon ;
et comme second bon tour Volkh apprit
à se changer en un loup gris ;
et comme troisième bon tour, Volkh apprit
à se changer en aurochs fauve à cornes d’or.
Et quand Volkh eut douze années,
Volkh se mit à se choisir une droujina.
Il recruta sa droujina en trois années;
il se choisit une droujina de sept mille hommes.
Volkh lui-même a quinze ans,
et toute sa droujina a quinze ans.
Le grand bruit passa
dans la capitale de Kiev
que le tsar de l’Inde s’équipe,
fait le vantard, le fanfaron,
veut prendre sur son bouclier tout Kiev,
et mettre en fumée les églises de Dieu,
et ruiner les honorables monastères.
Et en ce temps-là Volkh fut bien inspiré:
avec toute sa brave droujina,
vers le fameux royaume de l’Inde
il partit alors avec eux en campagne.
La droujina dort, mais Volkh ne dort pas :
il se change en loup gris,
il court, il galope dans les forêts obscures, les hautes futaies
et tue les élans sauvages;
le loup, l’ours ne peuvent échapper,
les zibelines, les panthères sont ses morceaux préférés ;
il ne dédaigne pas les lièvres les renards ;
Volkh abreuvait, nourrissait sa brave droujina,
il chaussait, vêtait les bons gars :
ils portaient des pelisses de zibeline,
et pour en changer, des pelisses de panthère.
La droujina dort, mais Volkh ne dort pas:
il se change en clair faucon,
il s’envole au loin sur la mer bleue,
et tue les oies, les cygnes blancs,
les petits canards gris ne peuvent échapper ;
il abreuvait, nourrissait sa brave droujina ;
et il avait toujours des vivres de rechange,
des vivres de rechange, doux comme sucre.
Et Volkh se met à les interroger:
"Eh! vous, hardis bons gars,
vous n’êtes pas nombreux, mais pas en petit nombre, sept-mille;
mais y a-t-il parmi vous, frères, un homme
qui puisse se changer en aurochs fauve,
qui puisse courir dans le royaume Indien,
s’informer du royaume Indien,
du tsar Saltyk Stavrouliévitch,
de Batyévitch et de sa tête misérable ?"
Comme les feuilles et l’herbe jonchent la terre,
toute sa droujina s’incline.
Les hardis bons gars lui répondent :
"Il n’y a pas chez nous de pareil gars,
sinon toi, Volkh Vséslaviévitch."
Alors, ce Volkh Vséslaviévitch
se changea en aurochs fauve à cornes d’or,
il courut dans le royaume Indien.
D’un premier bond, il sauta toute une verste,
mais son deuxième bond, on ne put le repérer;
il se changea en un clair faucon,
il vola vers le royaume Indien.
Il se trouva dans le royaume Indien
et il s’assit dans le palais à pierres blanches,
dans le palais royal chez le tsar Indien
et à la fenêtre à linteaux.
Et ce ne sont pas des vents d’orage qui passent sur la neige,
c’est le tsar qui converse avec la tsarine :
le jeune reine Azviakovna parla,
la jeune Elena Aleksandrovna :
"Eh ! toi, fameux tsar Indien !
Il te plaît de t’équiper pour guerroyer en Russie,
mais tu ne connais pas, tu ne sais pas ce qu’il en est :
au ciel, la lune lumineuse a lui
et à Kiev est né un puissant bogatyr
pour se mesurer avec toi, le tsar."
Mais pendant ce temps, Volkh est bien avisé.
Assis à sa fenêtre à linteaux,
il a entendu ces discours.
Il se changea en hermine,
courut dans les sous-sols, les caves,
dans les hauts térems,
rongea les cordes des durs arcs,
enleva les ferrures des flèches durcies au feu,
à un fusil à feu,
il arracha les silex et les baguettes
et mit le tout en tas à terre.
Volkh se changea en clair faucon,
il monta haut sous le ciel,
vola loin en rase campagne,
vola vers sa brave droujina.
Sa droujina dort, mais Volkh ne dort pas ;
il réveilla les hardis bons gars :
"Holà, vous, ma brave droujina,
ce n’est pas le temps de dormir, il est temps de se lever !
Allons au royaume Indien !"
Et ils arrivèrent au mur de pierres blanches :
le mur de pierres blanches est difficile à franchir,
les portes de la ville sont de fer,
les targettes et verrous sont tous de cuivre,
des factionnaires y sont de jour et de nuit ;
il y a des dessous de porte de dents de poisson précieuses,
d’ingénieuses sculptures y sont sculptées,
et il n’y a qu’une fourmi qui puisse y passer.
Et tous les gars s’affligèrent,
s’affligèrent, furent chagrins,
ils dirent ces paroles :
"Nous exposons nos têtes en vain,
comment pourrons-nous franchir la muraille ?"
Le jeune Volkh lui est bien avisé :
il se changea lui-même en fourmi
et tous les bons gars, il les changea en fourmis.
Ils franchirent la muraille en pierres blanches,
et les gars se trouvèrent de l’autre côté,
dans le fameux royaume Indien.
Il les changea tous à nouveau en bons gars ;
ils étaient là avec tout leur harnachement guerrier.
(La fin de la byline raconte que la droujina extermina tous les habitants du royaume sauf 7000 jeune filles qui devinrent les épouses des "gars", et que Volkh se maria avec la veuve du tsar Indien tué.)
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1. Un poude = 16,38 kilos.