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HUMOUR


L'aiguille pleine


Cela s'est passé dans un hôpital ukrainien à l'époque communiste.

Une patiente avait avalé une aiguille à coudre et dut être opérée en raison du risque de perforation. Quelque temps après son réveil, elle voulut voir l'aiguille mais celle-ci avait déjà rejoint les déchets hospitaliers; évidemment, on ne pouvait risquer une piqûre accidentelle en la recherchant, ce qu'on lui expliqua. Peu après, elle a commencé à souffrir de dysphagies et de douleurs atypiques qu'elle attribuait à cette maudite aiguille, malgré les dénégations répétées de ses médecins. Peut-être n'avait-elle pas grande confiance dans le système hospitalier soviétique, miné par le sous-équipement, les pots-de-vin et la désorganisation, malgré les compétences individuelles. Son état empira. Elle ne se nourrissait plus que de bouillies et de lait, maigrissait et se mit à limiter de plus en plus ses mouvements craignant que l'aiguille ne lui transperce le coeur.

C'est alors qu'un des médecins eut l'idée de fabriquer une machine, avec force boutons, réglages et voyants lumineux qu'on lui présenta comme un appareil occidental de pointe, récemment acquis par l'hôpital et produisant un puissant champ magnétique capable de déplacer les corps étrangers métalliques inopérables, comme par exemple de petits éclats d'obus mal placés. Et c'est ainsi qu'en salle de radiologie, avec toute la gravité professionnelle dont ils étaient capables, les médecins firent migrer l'aiguille imaginaire censée suivre son petit bonhomme de chemin dans son corps, esquivant habilement vaisseaux, nerfs et organes jusqu'à traverser la peau; l'infirmière qui tenait une aiguille identique cachée dans la paume de sa main piqua légèrement la peau de la patiente puis fit tomber l'aiguille dans le haricot avec un joli bruit métallique. On la présenta solennellement à la patiente dont le visage s'illumina de plaisir et de soulagement.

Les suites opératoires furent simples, et il n'y eut pas de récidive.

Comme quoi, si les idéologies peuvent différer, la psycho(patho)logie présente bien des similitudes!