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FÊTES ET TRADITIONS


Les Bylines


 

 

 

La Byline Russe

Dossier de TPE réalisé par :
Antoine Muller T°1

 

Note de l'auteur :
ceci est la version online d'un TPE sur les bylines russes, élaboré par Antoine Muller alias Yatan sur le web...

Pour tout renseignement, vous pouvez me contacter à l'adresse mullerantoine@yahoo.fr

Je vous demande de respecter mon travail et de ne pas publier ce travail sur d'autres sites, ni le recopier même partiellement sans me citer...

Je vous souhaite une bonne lecture en vous rappelant que bon nombre de thèses énoncées dans ce travail sont purement personnelles et donc peut-être fausses...

 

Introduction :

 

Les Bylines sont presque inconnues en Occident, avant de commencer cette étude, il convient donc de les situer dans leur contexte.

Une littérature orale a existé dans beaucoup de peuples avant toute littérature écrite, mais il nous en reste aujourd'hui très peu de vestiges, car elle a été longtemps ignorée et méprisée par l'élite instruite, qui n'a pas attaché d'importance à des oeuvres issues du peuple illettré. Par conséquent, il est évident que seule une très faible partie des oeuvres orales nous est parvenue, même si, un peu partout subsistent des comptines, chansons, contes... dont nous ne connaissons plus les auteurs, qui semblent issus d'un très lointain passé, et qui souvent nous semblent étrangement familières.

La Russie de par l'étendue de son territoire a très longtemps compris des régions difficiles d'accès ou la civilisation a mis longtemps à s'imposer ce qui a permis à la tradition orale de perdurer jusqu'au début du XXème siècle, sujette à un déclin moins marqué qu'ailleurs.

Ce n'est qu'à partir de la fin du XVIIIème siècle qu' un certain nombre de témoignages de la transmission orale ancestrale, comme les contes (skazki), les poèmes d'inspiration chrétienne (stikhi doukhovnyé) (littéralement "vers spirituels") ont été recueillis.

- Les contes témoignent de l'intérêt instinctif du peuple pour les thèmes du surnaturel, de l'irréel, de l'imaginaire, Il sont toujours restés bien distincts des bylines car contrairement à celles-ci, ils sont en prose, et ne comportent donc pas d'élément musical ou rythmique. Cependant, il est intéressant de noter que se basant sur une base mythologique commune, les points communs sont nombreux entre le conte et la byline, dans les thèmes, et parfois même la construction.

- Les stikhi doukhovnyié traitent de sujets religieux variés, comme le jugement dernier, l'histoire de Lazare... Ils ont la particularité d'émaner à l'origine de sources livresques, la Bible, les vies des Saints et les légendes qui s'y rattachent, mais le peuple les a exploitées et en a tiré des oeuvres très personnelles, assez semblables aux autres poèmes épiques, russifiées, mélangées à des éléments de la tradition populaire dans les limites du contrôle de l'Eglise qui y voyait un moyen de convertir de nouveaux fidèles. Ils étaient souvent récités par les mendiants, aveugles, pèlerins, qui y trouvaient un moyen de subsister et bénéficiaient auprès du peuple d'un très grand respect comme en témoigne le contenu de certaines bylines.

- Les bylines qui font l'objet de la présente étude, sont des chansons épiques dont les origines remontent à des temps très reculés, à partir des X et XI èmes siècles, leurs thèmes sont au contraire essentiellement laïques, elles ont été conservées par la tradition orale jusqu'au XVIIème siècle ou on a commencé à les redécouvrir, et ce jusqu'à leur disparition avec celle de leurs derniers récitants, au début du XXème siècle.

Elles ont la particularité d'être de longs récits épiques, qui comportent tout un développement, une action, des descriptions, certaines atteignant plus de mille vers, ce qui rend assez exceptionnelle leur transmission orale, presque sans altération, et souligne l'instinct poétique, fantastique, et surtout la mémoire de ceux qui les ont transmises.

L'appellation de la byline : La byline fut d'abord appelée slovo (la parole, le dit), puis bylina ou byl (le fait), nom qui témoigne de son caractère véridique aux yeux du peuple (en russe moderne, byl est le passé du verbe être), un proverbe russe dit d'ailleurs : Skazka skladka, a piésnia byl' (le conte est une invention, mais la chanson c'est le fait, le réel). La byline a une dimension sérieuse, c'est un savoir réel, elle se rattache à des sources historiques, quoique mêlées souvent de croyances et des mythologies des Slaves anciens, tandis que le conte est plus fantaisiste.

Un autre nom qui lui fut donné est starina, qui l'inscrit dans une époque passée depuis longtemps (stary voulant dire en russe vieux, et starinny ancien), on comprend ainsi le rôle "éducatif" de la byline pour le peuple. L'appellation "byline" figure pour la premire fois dans le "Dit de la campagne d'Igor", un poème épique qui date du XIIème siècle. qui témoigne bien des sources historiques des bylines, mêlées de croyances et de mythologies des slaves anciens.

La byline recouvre toute l'histoire de la Russie, depuis les origines, elle raconte les exploits des bogatyry (preux), de puissants guerriers qui équivalent en quelque sorte à notre chevalerie Occidentale, ils peuvent être classés en deux ou trois catégories qui se sont succédées chronologiquement :

Les premiers, ou aînés sont peu nombreux, et on ne sait pas grand chose d'eux, leur origine remonte très loin dans le temps, ils sont assimilés aux forces et phénomènes naturels, les conteurs de bylines disent que leurs exploits sont perdus dans la nuit des temps, il s'agit sans doute souvent d'éléments issus de la mythologie pré-chrétienne, qui fut combattue lors de la conversion, ce qui explique que peu de sources nous soient parvenues à leur sujet les bylines, qui racontent leurs faits et gestes relèvent plus du mythe que du récit. On peut citer Volga Bouslaïévitch, qui personnalisait peut-être à l'origine le fleuve, Mikoula Sélianinovitch, dont le nom signifie fils de paysan, de colon, qui est doté d'une énergie merveilleuse et dont la charrue ne peut être arrachée de terre par autre que lui. Il représente en quelque sorte la puissance du peuple qui commence à se sédentariser, à défricher les forêts. Figurent également à leur panthéon des monstres divers, géants de la montagne, comme Sviatogor ou Zmeï Gorynytch le dragon, leurs noms sont construits sur la racine gora qui signifie montagne. Idolichtché Poganoïé est quant à lui la figure de l'idole païenne, tandis que Soloveï Razboïnik, le bandit rossignol, terrifie les voyageurs et habite un repaire bâti au dessus de six chênes.

Le deuxième cycle est rattaché de beaucoup plus près à l'histoire de la Russie kiévienne, véritable berceau de la byline. Certains le divisent à son tour en deux catégories, la première racontant plus des faits militaires, la seconde plus influencée par le commerce... le souverain unanimement évoqué dans les bylines est Vladimir "beau-soleil" ou "soleil-rouge" (les deux adjectifs se confondent en vieux russe), celui qui fut à l'origine de l'adoption du christianisme en Russie, devenu à ce titre Saint. S'ils ne sont pas moins doués de capacités remarquables, les bogatyry de sa cour ont forme humaine, et leurs exploits sont souvent plus facilement situables et explicables dans un contexte historique.

Le plus important des bogatyry est Ilia de Mourom, ou Ilia Mouromets (il s'agit de la transcription couramment admise à laquelle on peut préférer Mouromiets, plus proche de la prononciation originale), le seul à être d'origine paysanne, resté jusqu'à l'âge de trente trois ans infirme, incapable de marcher. Guéri miraculeusement, il consacre dès lors sa vie à la défense des terres Russes contre les envahisseurs et autres ennemis... Contrairement à beaucoup de nos héros, Ilia ne cherche pas la guerre, répugne à utiliser sa force titanesque sauf en dernier recours, il est doué d'un grand sens moral avant tout. Même le tsar Vladimir tremble devant ses colères, ce en quoi il représente symboliquement la pression de la masse rurale sur les pouvoirs, fait qui lui vaudra d'être abondamment utilisé par le régime communiste. Dobrynia Nikititch semble quant à lui issu d'un autre milieu, plus noble, de par ses manières, son attitude, son intelligence. Aliocha Popovitch est pour sa part le représentant du clergé comme le laisse supposer son nom (popovitch = fils de pope).

Le "troisième cycle" donc, appelé cycle de Novgorod car racontant sans doute des faits ultérieurs, contemporains à l'apogée de cette cité, met en scène des bogatyrs comme Sadko, qui se consacrent à des activités moins bellicistes, souvent marchandes.

Les bogatyrs ont comme principal adversaire les "Tatars", d'inspiration historique évidente, qui représentent les Mongols qui ont envahi la Russie au XIIIème siècle. On constate dès lors l'anachronisme avec la date du règne de Vladimir, mais il faut comprendre que les bylines sont le résultat d'une assimilation de sources de diverses époques derrière des figures symboliques, positives ou négatives. La figure de Vladimir est pour le peuple Russe un symbole d'unité, un rappel de la grandeur passée de Kiev, et elle concentre en un même personnage plusieurs souverains historiques, comme nous le verrons plus loin. On peut voir dans les bylines qui évoquent le joug tatar une réaction contre celui-ci et une invitation à le renverser par le rappel des faits héroïques passés... Les princes Russes à l'époque du joug tatar se livraient à des querelles intestines de pouvoir, c'est pourquoi le peuple redoublait d'ardeur dans la "résistance orale", par l'évocation de personnages légendaires. Le texte exact des bylines a probablement évolué petit à petit avec les différents conteurs, selon les événements historiques du moment, des personnages ont été amalgamés, et plusieurs versions existent souvent sur les mêmes thèmes. La menace mongole, par exemple, a amené les conteurs à lui assimiler très largement tous les peuples ennemis du passé de la Russie, les Polonais, les Lithuaniens... On peut constater un fait comparable en France ou les Normands et autres envahisseurs du Nord ou de l'Est prennent le nom de Turcs.

La menace mongole a constitué un élément unificateur de la byline.

On ne peut malheureusement pas juger de cette évolution puisque les premières bylines recueillies et rassemblées datent du XVIIème siècle, date à laquelle il semble que les bylines ne subissaient plus de changements et se transmettaient très fidèlement. Au XVIIIème siècle, pour la première fois, un recueil important de poésie populaire russe est réalisé par Kircha Danilov sous le titre "Anciens Poèmes Russes", le recueil est édité pour le public pour la première fois en 1804 puis en 1818. Il faut ensuite attendre 1860 pour qu'un deuxième recueil paraisse, par l'initiative de Kirieievski. Grâce aux grands rassembleurs de bylines comme Rybnikov, Hilferding, Markov, Grigoriev, Ontchoukov, plus de 2000 enregistrements sont réalisés, qui ne correspondent cependant pas à 2000 bylines différentes, on dénombre environ 50 grands sujets, mais les différents versions se complètent souvent de façon intéressante.

Comme on va le constater au long de cette étude, les grands thèmes des bylines ne se limitent pas aux faits d'armes, le commerce occupe par exemple une place non négligeable, notamment dans le cycle de Novgorod.

Les bylines n'étant pas oeuvres issues d'un seul auteur, mais anonymes, forgées au fur et à mesure par les siècles, sont pleines de symboles. Comme dans les contes, les répétitions sont fréquentes, les personnages ou entités ont des qualificatifs propres et immuables, les histoires se déroulent souvent selon des schémas consacrés, commencent en général à la cour de Vladimir, les mêmes paroles, démarches, sont répétées trois, quatre ou cinq fois, avant d'être fructueuses, ce qui imprime un certain rythme. La tête est toujours "misérable", les jambes "fringantes", les boucles "jaunes", les cuisses "grasses", le vaisseau "rouge", le faucon "clair". Ilia est toujours "vieux" alors qu'il n'a que trente trois ans quand ses aventures commencent.

On sait que les bylines étaient parfois chantées par des ménéstrels, généralement aveugles mendiants, qui s'accompagnaient d'un instrument à cordes appelé "gousli", ce qui explique en partie les allusions toujours les mêmes, destinées à établir un lien entre celui qui récite et son public, à aider ce dernier à se sentir concerné par l'action. Au moment de recueillir les paroles de bylines, on a souvent constaté que ceux qui les interprétaient avaient eux-mêmes souvent oublié l'origine ou le sens des formules consacrées.

Nous allons commencer dans ce dossier par étudier des bylines des deux premiers cycles, afin de dégager leurs inspirations, historiques, géographiques, symboliques, parfois religieuses; ensuite, nous ferons le point sur certains aspects des bylines de façon plus générale, liens avec l'Eglise, avec le régime communiste, avec les autres récits épiques, particularités littéraires...

 

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